Depuis le 9 septembre 1997, on attend la mort de maman. Un AVC l’a terrassée et l’entraîne dans une paralysie de tout le côté gauche.
Près d’elle, je cherche quelque chose à dire. Mais y a-t-il vraiment quelque chose à dire quand on attend la mort?
Un souvenir vient me nouer les tripes : c’est arrivé le 2 décembre 1958, lorsque le jeune Florent, garçon âgé de 16 ans, a été rappelé très rapidement par le Seigneur. Cette journée-là, la mort nous a pris par surprise, mais maintenant, la mort de ma mère est attendue depuis huit ans. Le chiffre 8, dans mon idée, signifie la perfection de l’infini, l’immortalité…
Il m’arrive de passer beaucoup de temps auprès d’elle, dans sa chambre, à l’hôpital d’Youville. Je la regarde… Elle est accablée de sommeil. Je me pose la question : À quoi rêvent les arbres quand ils dorment? Je pense que c’est à leurs racines. Maman, madame Forest, a de quoi rêver… Tout mon cerveau, tout mon cœur, tout mon corps ne s’appliquent qu’à faire une seule chose : la regarder.
Des fois, je me surprends à me questionner ainsi : Qu’est-ce que ça veut dire qu’elle s’obstine à ne pas mourir tout de suite? Je pense que lorsque je suis près d’elle, la peine, la vie amère se retirent un peu pour laisser place à une pause de bonheur. Se sentir aimée, entourée, voilà ce qu’elle a toujours rêvé.
Puis, tout à coup, sans y penser, comme un réflexe, j’ai embrassé son front, je l’ai caressée, j’ai pris sa main et j’ai senti que sa main me serrait aussi. Je lui ai dit que je l’aimais, que je la trouvais belle. J’ai ajouté : Lorsque tu vas mourir, cela va vouloir dire que Dieu, notre Père, ne peut pas résister plus longtemps à ta beauté.
Mon visage s’est collé sur la joue droite de ma mère. La mort n’a pas osé venir. On était trop bien ensemble.
Être là à attendre la mort a fait de moi une personne plus forte. C’est comme si j’avais compris quelque chose : une mère qui a tout donné, ça ne meurt pas.
Lorraine Forest, fcscj